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“J’ai aidé maman face à son cancer, sans la considérer comme une personne malade”
Janvier 2013, Clara a 15 ans. En rentrant chez elle, elle voit sa mère en pleurs dans les bras de son père. Elle ne tarde pas à comprendre que ce qui est en cause, c’est un cancer du sein infiltrant avec deux tumeurs. Entre le désir de protéger son enfant et l’honnêteté, l’annonce de la maladie est une épreuve à surmonter. Cinq ans plus tard, Clara témoigne pour donner espoirs et conseils à tous ces enfants précipités dans la réalité de la vie.
Comment votre mère vous a t-elle annoncé sa maladie ?
Alors que je rentrais chez moi un midi pour chercher de l’argent afin de manger avec des amies à l’extérieur, j’ai vu, mes parents dans la cuisine. Ma mère pleurait à chaudes larmes dans les bras de mon père. J’ai demandé ce qui se passait et c’est là qu’elle m’a dit qu’elle était malade.
Est-ce que tu aurais aimé qu’elle te le dise autrement ?
J’ai apprécié le fait qu’elle me l’annonce directement, elle n’a pas pris le temps de digérer la nouvelle avant de me le dire. Elle n’a pas tourné autour du pot et elle n’a pas non plus demandé à mon père de le dire à sa place. C’était peut-être un peu brutal mais beaucoup moins anxiogène. Elle m’a tout de suite dit quel type de cancer elle avait, à quel point il était grave et comment ça se soignait. Bien sûr, le fait de la voir pleurer m’a fait beaucoup de mal. J’ai pris pleinement conscience de la gravité de la situation.
Quelle a été votre réaction à chaud puis après quelques temps ?
Quand elle me l’a annoncé j’étais très choquée et je ne me souviens plus de ce que je lui ai dit (je ne sais même plus d’ailleurs si j’ai dit quelque chose). Je l’ai prise dans mes bras et je suis partie. Si c’était à refaire je serais certainement restée auprès d’elle mais à cette période-là je n’étais pas très démonstrative et je ne voulais pas lui montrer que j’avais été affectée. J’ai retrouvé mes amies et c’est en leur expliquant ce qui venait de se passer que je me suis mise à pleurer. Au fur et à mesure, j’ai pris du recul, je savais que beaucoup de gens étaient touchés par des cancers et qu’il était possible de s’en sortir. J’étais plutôt positive, peut-être inconsciemment pour donner confiance à ma mère ou peut-être parce que je ne pouvais pas imaginer que ça se passe mal.
Comment est-ce que vous l’avez accompagné durant sa maladie ?
Pendant les premières années, son état s’est détérioré, elle n‘avait plus de force, son moral était bas et les traitements envahissants. Comme elle ne travaillait plus, elle allait très souvent au cinéma, elle s’est réfugiée dans les films et dès que je le pouvais, je l’accompagnais. Un peu plus tard, on a recommencé les sorties culturelles comme le théâtre ou le musée mais c’était assez fatigant. On a continué à partir en vacances, prendre l’air près de la mer. Puis elle a fait un séjour loin de chez nous, en cure thermale pour apaiser sa peau des agressions des rayons et après la chimio, elle y est restée trois semaines. Mon père et moi l’avons rejoint. Je crois que cette parenthèse a été ce qui lui a fait le plus de bien. Je ne l’ai accompagné qu’une ou deux fois en rendez-vous médical, c’était plutôt mon père qui s’en occupait quand il le pouvait.
Est-ce qu’il y a eu des moments particulièrement compliqués ?
La première chimiothérapie et l’état dans lequel elle était quand elle en est sortie ! Également quand elle a perdu quelques-unes de ses amies, qu’elle avait rencontrées lors de rééducation post-opératoire. C’était une épreuve particulièrement compliquée car au-delà du fait de les voir partir, elle se disait qu’elle aurait le même destin. Je l’ai accompagné et écouté, et j’ai surtout tenté de lui redonner du courage car c’était des idées très oppressantes pour elle mais aussi pour nous. Puis il y a eu l’épreuve de la perte des cheveux. Elle a décidé de les raser, et a confié cette tâche à mon père. Puis je l’ai accompagné acheter une perruque et quelques foulards, ça a été un moment difficile mais je l’ai pris de façon légère comme si elle allait chez le coiffeur, il ne fallait pas rendre cette situation plus pesante encore. On a même plaisanté sur le nombre de possibilités qu’elle avait et que c’était le moment d’opter pour les cheveux qu’elle n’avait jamais eu.
Qu’est-ce que sa maladie a changé dans votre relation avec votre mère ?
On était déjà très proches mais on l’est devenu davantage encore, car j’étais beaucoup plus présente à ses côtés. Mon père travaillait beaucoup, même les week-end, donc je restais souvent avec elle pour ne pas la laisser trop seule. De plus, elle a subi une ablation du sein et cela l’a rendu invalide du bras droit pendant plusieurs années. Elle ne pouvait pas le lever, et avait besoin d’aide pour attraper des objets en hauteur. Elle ne pouvait pas toucher de plats trop chauds ni se piquer avec quelque chose de pointu et encore moins avoir des plaies car cela pouvait entraîner un « gros bras » c’est-à-dire que son bras pouvait doubler de volume de façon dangereuse et ne jamais dégonfler. Je faisais très attention à cela, sans pour autant l’assister. Je voulais la considérer autrement que comme une malade. Pour moi on ne définit pas une personne à sa maladie, ce qui m’a rendue assez exigeante voire intransigeante avec elle. Je pense que ça n’a pas toujours été agréable pour elle car je la poussais à demander le moins d’aide possible pour rester autonome, je ne voulais pas qu’elle se victimise ni qu’elle se lamente.
Aujourd’hui, elle est guérie, est-ce que ce cancer reste présent dans vos vies ?
Cela fait plus de 5 ans que son diagnostic de cancer a été fait et tout va bien. Elle garde quelques angoisses sur les potentielles récidives et la moindre douleur au niveau du buste fait ressurgir les mauvais souvenirs. Son corps a changé et elle a du mal à le supporter. Il faut être à l’écoute mais je dois avouer que je perds souvent patience car je préfère que son corps ait changé mais que sa santé soit bonne. Dans la vie de tous les jours, on parle de sa maladie et on arrive même à en rigoler. Ça peut paraitre bizarre mais c’est très positif, ça permet de prendre du recul, enlever toute la gravité et le tabou qu’il y a autour de ce sujet même si cela reste forcément un peu délicat.
Quels conseils pourrais-tu donner à des enfants/adolescents qui affrontent ce genre de situation ?
Je leur dirais qu’il faut être très présents sans étouffer son parent. La personne atteinte d’un cancer du sein doit digérer l’annonce de la maladie et prendre de nouvelles marques car sa routine quotidienne va changer. Il faut l’accompagner, se mettre à sa place et ne pas la juger. Je pense qu’il est important de la pousser à continuer ses activités et qu’elle continue à voir des gens. Rencontrer de nouvelles personnes dans la même situation peut être une aide supplémentaire pour la personne malade car cela apporte des réponses à certaines questions et permet de se sentir moins seule dans cette situation.
En tant qu’enfant, il est aussi important de s’accorder du répit. Il ne faut pas arrêter toutes ses activités et surtout ne pas culpabiliser de laisser son parent seul de temps à autre. Pour ma part j’ai continué à faire de la danse deux à trois fois par semaine ainsi qu’à sortir avec mes amis.
Il faut être un soutien lorsque la personne va se confronter aux regards des autres, lui rappeler qu’elle ne se résume pas à sa maladie, qu’elle reste une belle personne, lui dire qu’on est là pour elle et qu’elle a le droit d’être fatiguée, de pleurer et d’avoir peur.
Mon dernier conseil serait de parler de la maladie au sein de la famille car ça permet de dissiper la gêne et le tabou, je trouve que c’est très important pour le bien être de la famille
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