• Syndrome de Gilles de la Tourette : des tics et des troubles difficiles à vivre

    Syndrome de Gilles de la Tourette : des tics et des troubles difficiles à vivre

    Grimaces, gestes incontrôlés, bruits étranges, grossièretés... Le syndrome de Gilles de la Tourette se caractérise par l'association de tics moteurs et vocaux apparaissant avant l'âge de 18 ans. En France, 45 000 enfants sont concernés à des degrés divers. Un quart d'entre eux continue d'en souffrir à l'âge adulte.

    Du fait des répercussions des tics et des troubles souvent associés, le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT) empoisonne le quotidien des personnes atteintes et de leur entourage. Le Dr Andreas Hartmann*, neurologue et responsable du centre de référence pour le syndrome de Gilles de la Tourette, revient sur les principales caractéristiques de cette maladie, ses conséquences et les thérapies proposées.

    Syndrome de Gilles de la Tourette : les premiers signes dans l'enfance

    Syndrome Gilles de la TouretteLe syndrome de Gilles de la Tourette est une maladie neurologique. Il apparaît avant 18 ans et se caractérise par l'association de plusieurs tics moteurs et d'au moins un tic vocal pendant plus d'un an. Des précisions importantes, sachant que près d'un quart des enfants souffrent de tics moteurs qui disparaissent spontanément en quelques mois.

    Le Dr Hartmann détaille : "Les premiers tics apparaissent souvent autour de 5-7 ans. Ils évoluent en dents de scie avec une tendance à l'aggravation jusqu'à 10-12 ans, puis régressent beaucoup après 16-18 ans. En grandissant, les enfants atteints apprennent aussi à mieux les contrôler. Un quart d'entre eux restent toutefois gênés à l'âge adulte".

    Le syndrome de Gilles de la Tourette touche 0,3 à 0,8 % des enfants d'âge scolaire, soit 45 000 enfants en France selon sa définition la plus large, 5 000 si l'on considère les cas les plus sévères. Les garçons sont trois à quatre fois plus concernés.

    Les symptômes de la Tourette : mouvements anormaux, bruits et paroles incongrus

    Clignements d'yeux, haussements d'épaules, grimaces, raclements de gorge, toux, cris... Les tics sont des manifestations motrices et vocales anormales, soudaines et involontaires. Dans le syndrome de Gilles de la Tourette, ils varient dans le temps et entre les malades. Certains, dits "complexes", ressemblent à des gestes volontaires, des mots ou des phrases ordinaires sortis de leur contexte.

    Ainsi, les personnes qui ont déjà entendu parler du syndrome de Gilles de la Tourette l'associent inévitablement à la copropraxie (faire des gestes grossiers) et la coprolalie (dire des obscénités, des insultes). Cependant, ces symptômes ne sont pas systématiques : "Ils concernent moins de 20 % des malades, précise le Dr Hartmann. Au contraire, certains de mes patients appellent leur boulanger "Mon chéri" ou disent "Je t'aime" dès leurs premiers rendez-vous amoureux. Ces comportements socialement inappropriés sont liés à un défaut d'inhibition au niveau du cerveau".

    Parmi les autres tics complexes, socialement handicapants et très agaçants pour l'entourage, figurent aussi l'échopraxie (le malade imite les gestes de son interlocuteur) et l'écholalie (il reprend ses paroles). "Nous ne pouvions pas suivre un film : Thibault répétait systématiquement les derniers mots des acteurs", se souvient Françoise, dont le fils est atteint du syndrome de la Tourette. "C'est ce symptôme qui nous a fait penser à la maladie alors que les tics dataient déjà de plusieurs années."

    Syndrome de Gilles de la Tourette : toute la famille a besoin d'être aidée

    L'association française du syndrome de Gilles de la Tourette (AFSGT) propose des thérapies de groupe pour aider les parents et l'entourage au sens large. Son président, François Lefèbvre explique : "Dans les cas les plus sévères, les tics et troubles comportementaux de l'enfant atteint accaparent toute l'attention. Les couples se séparent, les parents n'ont plus de temps pour les frères et soeurs qui se sentent délaissés... Il faut à tout prix éviter l'éclatement familial, y compris pour le malade".

    Syndrome de la Tourette, un diagnostic parfois tardif

    "Les tics sont souvent considérés comme les manifestations d'un mal-être ou d'un stress, ce qui peut retarder le diagnostic", commente le Dr Hartmann. "Lorsque les parents consultent, l'enfant est d'abord envoyé chez le psy ou, parfois, chez le spécialiste qui correspond au tic prédominant : l'ophtalmo s'il cligne des yeux, l'ORL quand il se racle la gorge..."

    Le fait que les tics puissent être "physiquement" handicapants, responsables de douleurs ou de symptômes propres à leur localisation (troubles visuels et maux de tête s'ils concernent les yeux par exemple) et qu'ils évoluent dans le temps, ne facilite pas l'orientation vers un neurologue.

    "Certains facteurs, comme la fatigue, le stress ou la caféine, peuvent augmenter la fréquence et l'intensité des tics mais ils n'en sont pas la cause", insiste le médecin. "Les tics proviennent d'une mauvaise communication entre certaines zones cérébrales." La maladie dépend de facteurs génétiques et environnementaux ( tabagisme maternel, souffrances périnatales, infections infantiles...).

    Des troubles du comportement souvent associés aux tics

    Avant même le début des tics, Thibault était considéré comme un enfant hyperactif ayant beaucoup de mal à se concentrer. Adolescent, il a commencé à avoir des troubles obsessionnels compulsifs (TOCs). Françoise explique : "Il me demandait de répéter quinze fois certaines phrases jusqu'à ce qu'elles sonnent "bien" et jonglait avec tout et n'importe quoi, piquant des colères noires si on l'interrompait avant la fin d'une série de quinze. Mais le plus difficile, c'étaient ses crises d' angoisse. Certaines nuits, il hurlait durant plus d'une heure et se tapait la tête contre les murs à en réveiller le voisinage".

    Selon le Dr Hartmann, 90 % des enfants atteints du syndrome de Gilles de la Tourette présentent au moins un autre trouble : "20 à 30 % ont un trouble d' hyperactivité avec déficit de l'attention (THADA), 30 à 40 % des crises de rage accompagnées d'auto-agressivité et 20 à 30 % des TOCs qui, souvent, persistent à l'âge adulte".

    Les tics et ces difficultés perturbent la scolarité et l'intégration sociale. "Ce qui me gêne le plus, c'est le regard des autres", confie Thibault. "Mes amis ou les gens du quartier me connaissent mais si je dois rencontrer une personne étrangère, je stresse, mes tics explosent et c'est le cercle vicieux ! Je sais qu'on me prend pour un attardé." A 20 ans, le jeune homme ne parvient pas à conserver un emploi plus de quelques jours.

    Une prise en charge en fonction des tics et des troubles associés

    Lorsque les tics ne sont pas trop sévères, quelques explications peuvent suffire à dédramatiser la situation. Le Dr Hartmann encourage les parents à en discuter avec les professeurs et l'enfant à les expliquer à ses camarades. Connaître les facteurs qui les amplifient aide aussi à les diminuer.

    "Les parents ont parfois du mal à comprendre que l'enfant puisse se retenir durant toute la consultation et laisser exploser ses tics sitôt la porte du bureau passée", remarque le médecin. "Je leur explique qu'ils sont extrêmement difficiles à contrôler. L'enfant ne se moque pas d'eux mais se "lâche" quand il est en confiance". Les personnes atteintes du syndrome de Gilles de la Tourette décrivent une sensation d'inconfort prémonitoire, comme une envie de se gratter ou d'éternuer, qui n'est soulagée que par la réalisation du tic.

    Un suivi psychologique est utile lorsque l'enfant est anxieux ou déprimé, mais il a ses limites. Lorsque les tics ou les troubles associés sont véritablement handicapants, il s'agit d'établir des priorités. Le Dr Hartmann prend l'exemple d'un enfant en échec scolaire : "Qu'est ce qui le gêne le plus ? Son tic du bras qui l'empêche d'écrire et de se concentrer, un véritable trouble d' hyperactivité avec déficit de l'attention, les moqueries de ses camarades, les douleurs physiques liées aux crises d'automutilation..."

    En France, quelques équipes, dont celle du Dr Hartmann, reçoivent les familles en consultation multidisciplinaire. Neurologue, pédopsychiatre, psychologue, assistante sociale... discutent avec l'enfant et ses parents pour proposer le suivi le plus adapté.

    Syndrome de la Tourette : les stratégies thérapeutiques pour diminuer les tics

    Lorsque les tics posent un problème majeur, le neurologue conseille d'essayer d'abord les thérapies cognitives et comportementales (TCC), 10 à 12 séances étalées sur trois mois, accompagnées d'exercices à reproduire chez soi. L'enfant doit toutefois avoir acquis une certaine maturité et il existe peu de thérapeutes spécialistes dans le syndrome de Gilles de la Tourette.

    Lorsqu'un tel suivi n'est pas possible ou s'il demeure insuffisant, il faut recourir aux médicaments. "Les neuroleptiques, utilisés depuis près de cinquante ans, sont souvent redoutés mais ils ont beaucoup évolué", précise le Dr Hartmann. "L' aripiprazole (Abilify®) est vraiment efficace à faible dose et avec peu d'effets secondaires." Près de 80 % des patients répondent positivement aux médicaments.

    Dans le cas de tics isolés et simples pouvant avoir de lourdes conséquences, par exemple une atteinte de la moelle cervicale suite à un tic de la nuque, une approche originale consiste à utiliser la toxine botulique qui agit directement sur les muscles concernés. A long terme, elle pourrait également diminuer l'envie de tiquer. "Comme les TCC et peut-être les médicaments", remarque le neurologue. "Quand on ne fait plus le tic, la sensation d'inconfort s'atténue et il a tendance à disparaître".

    Pour les tics les plus sévères, et lorsque les précédentes thérapeutiques ont échoué, il reste la stimulation cérébrale profonde grâce à l'implantation chirurgicale d'électrodes au niveau du cerveau. En France, une vingtaine de patients en ont bénéficié.

    * Praticien hospitalier à l' H ôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP, Paris), responsable du centre de référence pour le syndrome de Gilles de la Tourette, président du comité scientifique de l' association française du syndrome de Gilles de la Tourette (AFSGT).

    1- interview du Dr Andreas Hartmann, juillet 2013
    2- interview de François Lefèbvre, juillet 2013

    Audrey Plessis

    Créé le 30 juillet 2013

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