L’ENFANT QUI A UN DIABÈTE DANS UNE FRATRIE
La naissance d’un enfant est un événement magnifique (quand tout va bien), une réjouissance pour le couple parental. Mais pour les autres enfants de la fratrie, c’est aussi un bouleversement, car leur place vont être automatiquement remaniées.
La question se pose pour chacun d’entre eux : quelle est ma place maintenant ? Cet enfant qui arrive, que va-t-il me retirer, me prendre, vais-je perdre l’amour de mes parents, leur attention ?
Les différences d’âges ont un impact dans la fratrie.
Si l’écart d’âge est minime, les relations entre frères et sœurs peuvent alterner entre deux tendances.
Parfois, l’aîné(e) ou le jumeau jouera le rôle d’allié(e) face aux parents (plus fréquent pour la gémellité) et d’autres fois, les disputes seront fortement présentes du fait d’un désaccord entre les enfants.
Si la différence d’âge est plus importante, la grande sœur où le grand frère peut jouer le rôle d’un parent en donnant des conseils, en servant de confident, ou bien, ce qui n’est jamais de bon augure, en cherchant à remplacer totalement le parent sur un mode autoritaire et intrusif.
Quand un enfant devient diabétique, quelque soit sa place dans la fratrie (aîné, au milieu de la fratrie ou cadet), du fait de sa maladie, il prend toute la place aux yeux de la famille et des parents notamment, en tous cas, dans les premiers temps.
Le diabète influe considérablement sur l’état psychologique des parents. L’angoisse reste la première réaction parentale.
La fratrie alternera entre diverses émotions :
- L’inquiétude : est-ce que la maladie de mon frère, de ma sœur est grave ?
- La jalousie du fait de la place qu’il occupe désormais et le sentiment de ne plus exister pour les autres. Chacun s’occupe du frère ou de la sœur malade. Les parents s’inquiètent, les grands-parents interrogent, les tantes, les oncles, les cousins, les cousines s’informent etc. Cette jalousie peut s’exprimer par de l’agressivité ou de la colère.
- La culpabilité de ressentir ces sentiments de jalousie, la culpabilité de ne pas être l’enfant malade et dans le même temps la culpabilité de ressentir la satisfaction de ne pas être celui sur qui, la maladie est « tombée ».
- La peur de devenir malade à son tour.
Chaque enfant de la fratrie quelque soit sa place et son âge, va essayer de se positionner du fait de ce bouleversement pour pouvoir retrouver la place perdue.
Frères et sœurs vont donc s’organiser pour récupérer davantage d’attention parentale, plus encore que celle provoquée par la nécessaire prise en charge du diabète, en mettant en place des comportements « inadaptés » de type : mensonges, bêtises à l’école, désinvestissement scolaire avec chute des résultats, plaintes somatiques (maux de tête, maux de gorge, mal de ventre etc.)
Cela est particulièrement visible chez les fratries où la différence d’âge avec l’enfant diabétique est peu importante.
On observe également, et notamment chez les aînés, des réactions vives à l’égard de l’enfant diabétique. Ces réactions sont d’autant plus importantes que les émotions négatives énumérées précédemment à son encontre sont violentes : la jalousie avec l’expression de la colère et de l’agressivité.
La fratrie tiraillée par ces émotions négatives peut se sentir très coupable. Elle est en parallèle souvent inquiète pour son frère ou sa sœur diabétique.
En conséquence, elle peut mettre en place des comportements de réparation et de soignant vis à vis de l’enfant diabétique sur un mode bien souvent autoritaire.
Cela pose la question des rôles et des limites à l’intérieur de la famille. A quel moment, le frère ou la sœur plus âgé(e) doit-il s’arrêter de donner ses directives et comment les parents doivent-ils se positionner pour que l’aîné(e) ne dépasse pas certaines limites qui, si elles sont dépassées, peuvent entraîner des réactions d’oppositions du jeune diabétique, néfastes pour l’appropriation de sa prise en charge.
L’ensemble de ces réactions dans la fratrie est normal. Il est cependant nécessaire d’en tenir compte pour éviter toute situation de crise. Il est également important d’essayer d’y remédier.
Conseils aux parents :
Lorsque les frères et sœurs cherchent à provoquer votre attention par des comportements « inadaptés », il s’agit de leur montrer que ça ne vous laisse pas indifférent bien au contraire. Il faut leur dire que vous voyez leurs changements, eux qui écoutaient, qui étaient agréables, qui avaient des observations et des résultats satisfaisants à l’école etc. Il faut ouvrir la discussion de manière à ce qu’ils prennent conscience de ce qu’ils jouent en ce moment. Plus il y aura des échanges avec votre enfant, plus il pourra comprendre ce qu’il fait, plus il pourra se remettre en cause et agir sur ses comportements.
Il faut chercher à créer le lien, leur dire que ça n’est pas facile pour celui qui est diabétique mais que « oui, ça n’est pas non plus facile » pour eux et ça vous le savez et vous le reconnaissez. Il faut aussi leur dire que « oui, c’est vrai qu’il est casse-pied » leur frère ou sœur diabétique, quand il dit « je suis en hypo » et qu’il ne l’est pas, quand il fait du cinéma pour qu’on s’occupe encore un peu plus de lui et « oui, c’est pas normal, et oui, on va le lui redire qu’il est diabétique mais que quand même, il n’est pas tout seul à vivre dans la famille. »
Il s’agit de mettre aussi des limites à l’enfant diabétique qui peut parfois avoir tendance par ses comportements exagérés, à tyranniser l’ensemble de la famille.
Lorsque les frères et sœurs adoptent des comportements de réparation et de soignant, il s’agit de les rassurer et de dédramatiser la maladie.
Il faut les remercier s’ils ont pu vous aider pour une hypoglycémie ou autre, mais bien leur indiquer que faire la prise en charge et le soin, c’est votre rôle à vous et ça deviendra progressivement la responsabilité personnelle du jeune ayant un diabète.
L’enfant, même aîné de la fratrie, ne doit jamais avoir la responsabilité de son cadet diabétique sur une longue période. Sinon, le risque est de les mettre en situation de rivalité entre celui qui détient l’autorité et le savoir, et l’autre qui subit les directives.
De plus, un aîné peut devenir extrêmement agressif et violent, non pas par plaisir à l’égard de celui qui est diabétique, mais par peur de ne pas maîtriser des situations de crises relatives à la maladie. Laisser l’aîné devenir responsable de son frère ou de sa sœur diabétique ne peut que renforcer son anxiété et son agressivité à l’égard de ce dernier : « je suis en permanence anxieux qu’il t’arrive quelque chose et quand tu es en hypo, je me sens coupable de ne pas savoir t’aider, alors, je crie pour que tu prennes le sucre que tu refuses de manger. »
Vous, les parents, malgré les difficultés et les contraintes, vous êtes les meilleurs à pouvoir répondre aux besoins de vos enfants et à pouvoir redistribuer les rôles à chacun. Vous saurez donner l’attention et restaurer l’équilibre affectif nécessaire à la stabilité de votre famille.