Le sport, la voile, un défi à soi-même, une thérapie… mine de rien
Aujourd’hui âgé de 54 ans, je navigue depuis l’âge de dix ans. Je suis tombé dans la marmite tout petit : normal, j’habite à Locquirec, en Bretagne Nord, il suffit de regarder la loupe d’Astérix au début de la bande dessinée.
Compétition dès l’âge de 10 ans. A l’âge de 15 ans, je suis vice-champion de France de voile scolaire… Mais voilà, en 1973, il y a trente-huit ans déjà, je deviens également diabétique de type 1. A l’époque, il n’y a qu’une insuline lente et pas de lecteur pour savoir où on en est. Alors, c’est le bazar… A l’école, en seconde, je décroche complètement. A la maison, au milieu de sept enfants, on ne peut pas aménager la nourriture. Tout est compliqué.
Je me réfugie alors totalement dans le bateau, la compétition, la voile puis, professionnellement, la construction de bateaux. Mais le démon du sport et de la compétition me démange. Grâce à cette activité physique permanente, je préserve, en partie, ma santé. Psychologiquement, je fais l’impasse sur mon diabète et, heureusement, mon médecin généraliste me préserve et surtout ne me bloque pas dans cette vie sportive, mal vue à l’époque. Il me signe tous les ans mes licences sportives et m’aide à trouver des solutions pour le sommeil, la nourriture, les hypos.
Après des saisons à haut niveau, j’embarque en 1981 et 1982 sur deux courses du Figaro en solitaire. Toujours pas de lecteur de glycémie, alors je marche au feeling: trop de sucre, je suis mou et pas dans le coup, pas assez… je me re-sucre; l’un dans l’autre, je vis à fond et je finis, très bien placé, les deux courses de niveau international (12ème et 20ème sur 50).
La même année, un constructeur de bateaux danois me propulse «pilote d’usine» pour son dernier bateau de course. Le tour de la Méditerranée… et toujours mes seringues dans ma trousse de toilette car les stylos n’existent pas.
Par la suite, j’ai dû embrayer à mon compte avec mon chantier naval. Finies les longues saisons d’été à faire toutes les courses. Du coup, avec mes copains ingénieurs et grâce au sponsor Groupama Bretagne (juste avant Franck Cammas), j’ai construit un catamaran de course de 17 m avec un mat de 25 m de haut (huit étages) : l’objectif recherché a été tout de suite atteint : 1990-91-92 trois années Champion de France de vitesse à la voile à 30 nœuds.
Dernier bateau et dernier challenge lancé en 2001 par l’achat d’occasion d’un bateau du Vendée Globe et inscription pour y courir en 2004. De sombres histoires de jalousie et d’argent arrêtent le projet trois mois avant le départ et après trois ans de préparation; il arrive que le diabète ait bon dos, c’est dur mais il faut continuer, se battre.
Aujourd’hui, j’ai toujours ce bateau et j’amène mes amis en Irlande, en Angleterre, en Espagne. La vie est toujours aussi belle et puis… j’ai encore quelques projets en tête.
Le premier bilan de ces années très denses est que le diabète et la voile se marient très bien. Le bateau dispose de couchettes pour se reposer, d’une cuisine pour se re-sucrer: les stocks de coca faisant plus partie de la pharmacie du skipper que de l’avitaillement de l’équipage. Enfin,- et cela est beaucoup plus surprenant – le rythme des quarts de nuit et le sommeil par tranches de deux ou trois heures permettent de se tester et de réajuster l’insuline au fur et à mesure… avec quelques épisodes atypiques: imaginez sortir du duvet à 3 heures du matin et vous tester avec la lampe frontale sur la tête et les pieds calés au plafond… tempête oblige. Inversement, les périodes inactives en manœuvre de voiles et les grignotages sont à surveiller pour éviter les hyperglycémies.
En ce qui concerne le handicap qui existe avec le diabète, je me suis toujours adapté et ai toujours concouru à armes égales dans les compétitions «normales». Que ce soit le diabète ou beaucoup d’autres soucis que d’autres peuvent avoir, mine de rien, tous les sportifs font avec leurs «plus» et leurs «moins», comme dans la vie.
Mais il est très important de ne pas jouer les aventuriers. Un bon marin prend toujours la météo avant de partir et met «à la cape» en cas de tempête; le diabétique fait la même chose. J’ai beaucoup travaillé pour comprendre le diabète et mes réactions afin de m’adapter et d’être performant en compétitions. Non seulement, mon médecin a toujours été au courant de mes activités, mais j’ai aussi constaté que ma bonne nutrition influençait directement mon diabète et, donc, mes performances.
Je vous souhaite à tous de trouver votre équilibre, car la vie est belle et vaut le coup de faire quelques efforts pour vivre intensément.
Gildas IAUCH, «Dynamic Diabetic» (www.dynamicdiabetic.com)
http://www.ajd-diabete.fr/le-diabete/vivre-avec-le-diabete/le-sport/